Depuis l’arrestation de Bart, tu t’étais fait autant de nouveaux ennemis que d’amis. La carte de l’inspecteur s’était usée entre tes doigts hésitants, tes méninges ne savaient plus dans quel sens tourner à chaque fois que tu l’observais. Que se passerait-il si tu l'appelais? Que ferait-il pour toi qui te vaudrait le risque de fricoter avec de la flicaille?
C’est cette carte qui t’a coincée, elle-même qui te mets aujourd’hui dans cette position difficile. Les amis d’hier sont devenu les ennemis d’aujourd’hui et ceux qui voulaient voir tomber le fameux ‘doc pour avoir rendu leur quotidien insupportable te remercient de t’être jeté dans la gueule du loup.
« Il l’a bien cherché. » Tu sais bien que Mal n’a pas tord. Bart était un déchet encore pire que vous, il avait tué ce gosse et ne s’était pas même arrêté pour lui faire face. Il avait fuit comme un lâche. Parfois, tu en viens à penser que tu devrais le haïr et puis, tu penses à ce bras qu’il t’a offert et les choses se compliquent.
Oeil au beurre noir derrière tes lunettes, le pif dans ton verre coloré, tu attends sagement ton camarade. Ta jambe s’agite sous la table, tu es visiblement nerveux et ça attire quelques regards dans ce bar. Ce n’est pas une adresse que tu affectionnes particulièrement, tu viens surtout ici pour Fez lorsqu’il a besoin de toi. C’est justement pourquoi tu l’as choisie. Peu de têtes connues, personne pour cafter ta présence. T’es juste le toutou de Fez et c’est très bien comme ça.
La main sur ton épaule aurait pu te faire sauter de ta chaise si tu n’avais pas reconnu la voix d’Ezekiel et son enthousiasme légendaire. Chaque jour est un jeu pour cet idiot bien qu’il n’en soit qu’à moitié conscient. Comment lui en vouloir? Ton bras mécanique s’étend sur la table et tu viens coincer le coin de ses lèvres entre tes doigts pour lui arracher une moue en cul de poule avant de l'étirer. Ton manège continue alors que tu prends enfin la parole.
« T’as bien failli m’faire caner espèce de p’tit con. » Et l’envie te viens de continuer jusqu’à l’entendre s’excuser. Mais tu finis simplement par lui mettre une pichenette sur le bout du nez et revenir poser ton dos contre le dossier. « Tiens, tu peux finir mon verre. J’ai pas de quoi t’en offrir un. »
Ledit verre est traîné au bout de ton index jusqu’à son côté de la table alors que tu penches la tête, puis observes discrètement l’état du reste de la salle. Faire appel à Ezekiel ne te plait pas le moins du monde. Malgré l’indéniable attachement que tu lui portes, il est difficile de lui accorder sa confiance avec tout ce qu’il s’enfile régulièrement. Et une part de toi n’a pas envie non plus de l’inclure dans tes affaires persos, celles que tu protèges plus que tout. Ta semelle vient cogner à sa cheville pour attirer son attention.
« J’ai peut-être une course à te confier. Shh- T'excites pas tout de suite sur ton siège… » Ton talon se pose sur son genoux pour marquer ta demande, comme on calmerait d’une main ferme un cabot aux aguets. « Je dois d’abord m’assurer que mon petit Ez ne se montre pas attentionné qu’envers sa came bien aimée. »
Si sa réponse n’est pas assez convaincante, qu’est-ce que tu feras dans ce cas là? Peux-tu vraiment te permettre de jouer les difficiles? Est-ce qu’il peut voir au fond de tes yeux qu’il est ton dernier recours?