L’argent, c’est le nerf de la guerre, la raison la plus stupide pour laquelle n’importe quel être humain ou presque serait prêt à jouer sa vie pour en amasser un peu plus. Léo ne marche pas sur l’or, pourrait vivre la belle vie s’il se décidait à utiliser ce que sa sœur lui a laissé, mais ça serait trop simple, non, Léo ne veut dépendre de personne, est prêt à assumer la dèche quand elle se présente à sa porte. Qu’est-ce qu’il pourrait bien y faire de toute façon ? Les issues de secours sont bloquées, il n’y a plus moyen de sortir de cette situation, on ne cherche plus à vivre, seulement à survivre.
Alors le brun ne s’est pas fait prier quand il a entendu dire qu’une course se préparait, que cette fois c’était dans les rues, qu’ils ont dégagé la voie pour une fois. Il se dit que ça va être tranquille, que c’est quelques billets grattés en plus sans faire trop d’efforts, une soirée sans pépins, celles qui rapportent bien. Pourtant les choses ne sont pas toutes roses, bien que celle qu’il a côtoyée il y a quelques semaines à peine se trouve encore sur son chemin. Il soupire en arrivant, se demande encore ce que c’est ce merdier ; fait vrombir son moteur pour signaler à la foule qu’il est là, à elle aussi. Il a reconnu la voiture dès qu’il est entré dans l’enceinte, parce que le connard sait se mettre en valeur et fallait qu’il l’a ramène elle ce soir, que la douce soit en compagnie avec un des pires coureurs de ce foutu district. Ça l’enrage, parce qu’il sait qu’il va lui faire prendre des risques, même avec la fortune qu’il a injectée dans le moteur, il ne sait pas conduire et ça fait la différence. Le brun s’est fait enquiller, a toujours su garder le contrôle et finir premier, qu’est-ce qui pourrait bien changer ? Et si c’était elle ?

Il ne fait aucun effort pour ne pas se faire remarquer, fait hurler le véhicule dès qu’il est à sa hauteur, sort à moitié par la fenêtre pour amener son rival à le regarder. Le Britannique ne peut pas s’empêcher de lancer un petit regard à la rose, tente de lui faire comprendre par les yeux qu’elle devrait se tirer avant que ça ne démarre. Il reporte son attention sur le rouquin, un sourire flamboyant aux lèvres, pas la moindre appréhension de la course ; juste une sincère moquerie envers le concurrent qu’il a prévu de ruiner ce soir.

— Comme d’habitude, t’as préféré prendre de quoi te consoler plutôt que d’apprendre à conduire. Ce soir la thune repart avec moi, comme d’hab’ quoi.

Le brun rigole, retourne dans son habitacle pour aller se garer, gronde pour faire bouger les passants. Finalement il sort de sa voiture, se pose sur le toit, les pieds sur le capot, se rafraîchit doucement avec une canette de soda. Tente de se réveiller un peu plus, légèrement fatigué du chahut des nuits précédentes. Il reçoit des notifications lui aussi, pour lui parler de défis, mais il sait que le jeu va déjà être assez stressant comme ça, espère silencieusement que la conquête d’une autre nuit ne se décide à plier bagage ; parce que le roux n’a pas son pareil quand il s’agit de percuter les autres et de mettre en danger ses passagers. Ça l’emmerde, parce qu’elle est sympa, elle vaut mieux que ça. Le sort fait parfois les choses de manière étranges, eux qui s’étaient destinés à ne jamais se revoir.

— Le corniaud va vouloir ta peau. L’image, ça compte pour lui.

Léo détourne le visage, reconnaît un régulier qui s’est arrêté pour commenter la scène. Il s’en branle de ce qui va arriver, parce qu’il n’a jamais brillé par sa conduite, peu importe à quel point il a pu être sanguin sur la route. Le brun n’est pas inquiet,  pas le moins du monde pour ce qui en est de la course. Il espère simplement qu’il réussira à éviter à la rose de repartir en plusieurs morceaux ; parce qu’elle mérite mieux.

— Je lui arracherai la gueule quand il portera ses couilles.  

Il repart comme si de rien n’était, après avoir compris que le Britannique n’était pas intéressé par un quelconque conseil ou avertissement. Il n’a pas besoin de ça, saura s’arranger de la situation quand elle arrivera devant ses yeux, aucune raison de retenir ses coups par peur de représailles ; on frappe en premier.

Léo enrage tout seul sur son trône, observe le monde d’un œil extérieur à la scène, bien trop préoccupé par d’autres questions. On lui rappelle que ça n’est pas bon de s’attirer les foudres de Weasley, mais il jette aux ordures la menace inexistante qu’il représente. Il s’en tamponne autant que du froid qui vient griffer ses épaules à travers le tissu de son hoodie, le sommet du crâne recouvert par un bonnet. Ouais, on se les pèle et le brun se demande encore comment la rose fait pour tenir avec aussi peu de fringues, il est habitué, mais n’aurait pas son pareil dans la même situation. Elle est surprenante, il n’aurait jamais imaginé la voir ici, encore moins avec lui ; il ne vaut pas un clou, arrogant et sanguin c’est le nom des deux neurones qui se battent en duel.
Il sait que ça n’est pas vraiment son problème, qu’elle est assez grande pour gérer la situation, après tout il se souvient encore de la manière dont elle a détruit l’un des lourdauds du nightclub. Pourtant c’est différent, il l’a mis en garde silencieusement, mais espère qu’elle est plus raisonnable qu’elle n’en donne l’impression, qu’elle saura se tirer en temps et en heure.

Mélodie tentatrice dans les oreilles avant le départ de la course, il n’entend pas ce qu’il se dit, entend simplement les cris et la cohue qui s’ensuit. Il n’a pas mis longtemps à reconnaître la voix de la douce – lui aussi l’avait fait hurler après tout, – et relever la tête pour apercevoir ce qu’il se passe. Quelques secondes plus tard, elle est là, couverte d’un peu plus de tissu, avec son sac à main, alors il comprend qu’elle n’est pas là juste pour faire coucou. Finalement ça le prend malgré tout, il s’inquiète silencieusement, la voix presque éteinte elle le salue.
Il soupire silencieusement, glisse du toit pour rejoindre la terre ferme puis la douce dans l’habitacle. Elle a allumé le chauffage au maximum, ne s’en étonne pas, la regarde fermement après avoir fermé la portière derrière lui.

— Tu t’es décidée à venir avec le gagnant de la course ?

Il ne rit pas, parce qu’il sent que la tension n’est pas la même que la dernière fois ; ouais, ce n’est pas la même froideur qu’à la boîte de nuit, elle n’est pas juste énervée. Quelque chose qu’il n’a pas encore compris, ne souhaite pas imaginer. Ça l’énerve au final, elle n’aurait jamais dû rester avec un type comme le roux, parce qu’il est le genre de mec à vouloir casser ses jouets et la rose n’y est en rien comparable. La carapace, celle qui dit que quelqu’un n’est pas disposé à parler, que la rancœur a remplacé le reste des émotions. Weasley, fils de pute.

— Ça va ?

Les mots lui échappent, il ne sait pas vraiment comment dire les choses, à deux doigts déjà de sortir pour écraser le visage constellé de taches de rousseur sous un essieu. Il ne faudrait pas beaucoup d’arguments pour Léo, les années l’ont fait sanguin sur ce genre de sujets, parce qu’il connaît les habitudes du jeune homme, se souvient malheureusement si bien de celles de son père. Les nerfs déjà bien affutés par la fatigue, encore plus émoussés par la colère qu’il peut ressentir pour le rouquin, mais on annonce déjà le départ, alors il n’aura pas le droit à plus d’explications pour le moment. Le moteur redémarre pour rejoindre la ligne de départ. L’autre truffe ne peut pas s’empêcher de regarder partout, enrage de voir la rose avec le Britannique, ça lui fera les pieds.

L’ambiance est tendue, si bien que le brun ne sait pas trop ce qui a pu être fait pour la mettre dans cet état, il enrage silencieusement, ronge son frein en espérant en apprendre plus sur ce qui est arrivé. Ça ne le préoccupe pas d’habitude, chacun à ses problèmes et il n’est pas un enfant de choeur prêt à gérer ceux des autres, déjà incapable de gérer les siens ; pourtant avec elle, c’est différent. Alors ouais, la relation avait été tendue au premier abord, parce que la vie avait décidé de les dresser l’un contre l’autre, mais cette période était révolue. Il se souvient de la soirée qu’ils ont fini par passer ensemble, la passion qui a su les animer pendant cette unique nuit où les corps ne faisaient plus qu’un.
Ça le touche au vif quand elle lui fait comprendre silencieusement qu’elle n’est pas prête à piper mot, parce que même s’ils n’ont pas vocation à avoir une relation privilégiée, il pensait au moins qu’ils seraient passés au-dessus de ça la dernière fois. Ils ont pourtant ri, profité de la nuit et de la luxure de l’autre. La frustration ajoute finalement un peu plus à la colère qu’il tenait contre le rouquin, parce qu’il n’a toujours aucune idée de la raison pour laquelle elle est si froide et se dit que ça doit probablement avoir un rapport, de près comme de loin, avec ce dernier.
On lui fait comprendre qu’il est l’heure, alors il allume le contact en silence, rejoint celui de la rose qui attache sa ceinture, le brun oublie la sienne. La piste est déjà remplie, tout le monde observe la piste, lui attache son regard sur celle qui l’accompagne, un peu perturbé par les reproches qu’elle lui crache à la figure. Il n’avait pas eu l’idée qu’elle puisse être vexée par ce qu’il a dit, parce qu’il ne l’a pas pensé ainsi. C’est reparti pour un tour. Le lot de consolation, ce n’était pas ce qu’il a en tête quand il pense à elle et il imaginait sans mal qu’elle se sentait bien plus que ça, alors pourquoi prendre ça avec autant d’importance. Alors ce soir aussi, il essaiera de se faire pardonner, les conséquences encore une fois lui semblent incompréhensibles. Tant pis.

— Je vais faire de mon mieux.

Il fait face sans sourciller à la douleur qu’infligent les épines de la rose, quand on a l’habitude de se faire fracasser le crâne, on ne fait plus attention aux insultes. L’amabilité n’est pas ce qui caractérise le mieux le duo, mais les étincelles ont refait leur retour et ça n’est en rien une bonne idée pour conduire ; encore moins avec Weasley qui s’excite derrière son volant, fais des signes ostentatoires avant de mimer une "menace". Léo n’y croit pas, n’a jamais été plus que ça inquiété de la fourberie de l’autre empaffé parce qu’il le considère comme un chihuahua ; ça crie beaucoup, mais ça ne sert à rien.

— Et grand bien t’en fasse si tu penses que je baise des lots de consolation de la sorte, mais t’es à côté de la plaque.

Ça lui a échappé, parce que le contact de la chair avec la jeune femme avait été des plus plaisants, qu’il a donné ce qu’il a pu pour la satisfaire. C’est rare qu’il s’arrête chez elles, mais c’était une exception ; finalement c’est lui le lot de consolation. Les organisateurs préparent le départ et il n’a pas l’occasion d’en dire beaucoup plus, se concentrant bien plus pour se frayer en chemin dans les rues sans se faire cartonner par un dommage collatéral du roux. Il commence déjà à mettre la piste et ses adversaires à rude épreuve, alors Léo n’a pas trop le choix de prendre un peu d’avance, double assez facilement grâce à la faible largeur de sa voiture. Hors de danger, il reprend un peu son attention sur le reste, sur elle.

— C’était lui la cible.

Plus tu parles mal, plus ça mise sur ta gueule et les billets s’amassent par la suite. Il voulait expliquer l’insulte gratuite, même si elle n’aurait jamais dû se prendre dans l’accident. Au final, il n’a peut-être pas compris qu’il fallait se taire ; bien trop habitué à cacher le silence par sa voix. Il a au moins besoin de ça.

Apparemment il n’y a pas que contre le roux qu’elle en a, elle est sèche en tout point, ne laisse absolument aucune place à la discussion. Rêche avec sa réponse à celle du brun qui tentait d’arrondir les angles, comme depuis le début de leur rencontre. Il prend vite de l’allure, dépasse le reste du peloton sans difficulté, alors que la rose arrose le rouquin d’un doigt d’honneur majestueux. Elle finit par lancer un regard noir au Britannique, lui balance des reproches qu’il ne comprend pas bien, qu’elle était bien au courant de la façon d’être de Weasley, qu’elle ne bossera plus pour lui. Il se disait bien que le tableau était bizarre, elle continue son monologue alors qu’il tente de se concentrer un minimum sur le parcours.
Les visages sont plus rudes qu’on ne l’imagine quand on se fait incendier en direct du siège passager par la même occasion. Finalement celle qui ne voulait rien dire a été excédée par les excuses de Léo et ne semble plus capable de s’arrêter ; il aurait simplement espéré qu’elle choisisse un autre moment pour ça. Tant pis. Ça parle de carrosserie ruinée, d’une conduite mal assumée, de balancer l’argent par les fenêtres pour ça, ça fait rire le brun. Il soupire doucement, un petit sourire en coin quand il croise du regard celui avec qui il a déclenché les hostilités plus tôt. Il a fini par reprendre un peu de terrain, non sans jouer des coudes avec ses adversaires pour se frayer un chemin. Pendant ce temps-là, elle termine son monologue de sourd, celui qui montre beaucoup trop d’importance à ces mots : lots de consolation. Il regrette un peu, parce que ça n’était pas le plan, mais ce qui est fait est fait ; elle comprendra si son cœur lui en dit.
Elle balance une dernière cartouche en taclant toutes les anciennes conquêtes de Léo, parce qu’apparemment, ça n’était pas censé être une bonne chose, le fait qu’il ait pu prendre soin d’elle ce soir-là. Il n’aura peut-être pas vraiment laissé de marque de cette nuit, ainsi va la vie. Pendant ce temps-là le brun se fait sérieusement rattraper, par son ennemi du soir qui arrive presque à la même hauteur. À force d’écouter des reproches, il avait baissé son allure pour se concentrer. Son regard se fait un peu plus sérieux quand il quitte la route pour observer la rose.

— Écoutes, prends les choses comme tu veux, mais ne viens certainement pas me parler de comment fonctionne la vie. Si tu crois que c’est avec un sac à merde comme lui que tu vas choper des contacts, t’as craqué.

Les rues sont dégagées, donc il n’a pas trop de risque de percuter une autre voiture, tant qu’il arrive à suivre le parcours simplement avec le GPS de son ATH, mais encore faut-il qu’elle le laisse finir sans l’interrompre. Alors il débite un peu plus rapidement que prévu, semble vouloir arrêter les conneries avant qu’elles n’aillent plus loin. Ça le gonfle déjà de l’entendre crier de la sorte, avait un bien meilleur souvenir de sa voix.

— La seule chose que tu peux avoir comme contact avec lui, c’est le nom d’un bon garagiste dans le coin, il sait pas tenir un volant sans rentrer dans les autres ou dans un terre-plein.

Ses yeux s’attardent plus longtemps que prévu dans les océans en pleine tempête. Parce qu’elle tient son regard, ne cille pas, authentique, volubile et sanguine ; on pourrait faire le même constat chez le brun. Il récupère vaguement l’avantage dans un virage serré, le même conseil qu’il avait donné à Camden, quelques jours plus tôt. Personne n’arrive jamais à suivre, ils prennent toujours super large, parce qu’ils n’ont aucune manœuvre, la Golf est littéralement un kart, donc ça se conduit tout seul.

— Maintenant, convaincue ou non, si madame le veut bien, j’ai pas envie de laisser l’autre fils de pute rafler la mise. Pour ce qui est des contacts que tu veux choper, on pourra toujours s’arranger après, mais là j’ai besoin de me concentrer un chouïa, quand bien même t’es à croquer.

Ça semble absurde dans cette situation, mais il lui tient tête, soutient son regard, quand bien même il bat des records de vitesse pour rattraper son concurrent. S’empresse tout de même de faire comprendre à la rose qu’il n’est pas question de lui prendre la tête sur le moment, insulte Weasley par la même occasion, laisse planer une solution de dédommagement. À force d’entendre les cris, on ne supporte plus d’avoir à le faire, ça n’est pas une façon de parler ; on ne converse pas, on s’agresse. Il cherche un compromis, un moyen de la satisfaire assez pour qu’il puisse se concentrer. Avec les années, il a appris à avoir les contacts de n’importe qui, pour n’importe quoi. Le Oggy les bons tuyaux de Lumopolis ; à force de traîner dans des affaires louches et beaucoup de tchatche, il a fini par devenir « ami » avec n’importe qui.
Sans avoir eu à hurler comme elle, il a pourtant réussi à la faire reprendre son calme, redescendre en pression ; c’est fou comme on entend le bruit du moteur quand elle cesse de crier. Elle reprend la conversation, leurs regards retrouvent la route, réponse de la rose épousée d’épines, il sourit doucement. Comme le premier soir, finalement ne pas s’énerver complètement était la bonne chose à faire, elle tacle sans vergogne, la colère a quitté l’habitacle du véhicule aussi rapidement qu’elle est arrivée.

— Tu te plaignais pas de ma démarche quand je t’ai emmené au lit la dernière fois.

Son sourire s’élargit, la blague était simple, rentre dans le jeu de la douce, tant qu’il arrive à lui rendre le sourire, il ne devrait pas être inquiété. Elle continue, le laisse finalement rentrer dans la conversation sans lui cracher son poison, lui demande ce qu’il peut bien imaginer pour les contacts qu’elle peut bien chercher. Il relève les yeux au ciel, en reprenant l’ascendant sur son adversaire, guide son parechoc arrière devant ce dernier, lui laisse le magnifique lettrage sur sa plaque d’immatriculation « nice view, isn’t it? ».

— T’as dû regarder mon casier, non ? Je mets pas tous mes œufs dans le même panier. Drogue, courses, combats clandestins, vol, y a de tout qui est discuté aux courses.

Il prend un peu plus d’allure, tente de gagner du terrain sur le roux, mais ce dernier a l’air d’avoir sincèrement modifié sa voiture ; jamais auparavant il ne lui avait tenu tête de la sorte. Le brun trouve ça bizarre, prends les virages le plus serrés possible sans perdre de vitesse, mais rien n’y fait.

— De ce que j’ai vu, t’es plus du genre à te faire conduire qu’à prendre un volant en main, donc ça élimine au moins une option ou deux.

C’est le moment où le rouquin en colère s’est décidé à passer à l’attaque, dépasse sur la gauche pour venir percuter la Golf de plein fouet. Inconsciemment, son bras vient se mettre devant le corps de la jeune femme, prêt à la retenir tant bien que mal pendant l'impact. Le brun ne l’avait pas vu venir, s’attendait à ce qu’il prenne l’avantage, mais il faut croire qu’une autre idée brillante lui est venue en tête : les sortir de la route. Pourtant Léo ne se laisse pas faire, fait chasser sa voiture pour récupérer de l’adhérence sans se manger un arbre ; les pneus laissent de méchantes traces sur la route. Il accélère, passe encore une vitesse et s’enfonce dans une petite ruelle du parcours, là où il ne pourra pas se faire percuter de nouveau sur le côté.

— Chien de la casse. Il grogne presque, enragé de faire pour la première fois la rencontre avec l’aile de la voiture de son adversaire. Il a pas l’air d’avoir apprécié mon petit mot.

C’est déjà devenu anodin, ces petites crises de colère que le brun tempère avec plus de calme que d’habitude, il ne s’énerve pas avec elle, n’en ressent pas le besoin et finalement c’est ce qui adoucit la tempête. Les tornades ne sont que passagères quand on n’y prête pas autant d’attention qu’elles pensent devoir recevoir. Il n’a pas le temps pour ces broutilles et finalement la conversation reprend bon train, bien plus familière qu’au début de leurs retrouvailles.
La colère apaisée, c’est la légèreté qui reprend le dessus, tous deux s’amusent à se renvoyer des souvenirs de la nuit qu’ils ont consommée à deux. Son sourire ne s’amoindrit pas quand elle lui lance un compliment sur ses talents de la dernière fois. La mémoire se rafraîchit peu à peu alors que la discussion se poursuit, elle lui demande ce qu’il peut bien penser des contacts qu’elle cherche, lui déballe l’entièreté des crimes qu’il a pu commettre. Il sait bien qu’elle a déjà vu tout ça, qu’elle ne s’est pas contentée de vérifier son nom ; ça ne lui servirait à rien, pas juste pour le temps d’une soirée. Alors bien sûr qu’elle s’est assuré qu’elle ne risquait pas de faire rentrer un criminel endurci chez elle, il n’est pas tout propre, mais il n’a jamais été plus loin que le délit, certain que plus grosse récompense équivaudrait à plus de risques.

C’était un moment de calme, le genre qu’on chérit quand on est en présence de quelqu’un comme elle, parce qu’on ne sait jamais vraiment quand la bombe est prête à vous péter entre les doigts. Il en a profité tant qu’il a pu, a baissé sa vigilance et Weasley en a profité, a rattrapé son retard et a percuté le côté où sa passagère était installée. Son sang n’a fait qu’un tour, son bras dégainé à l’instant même où il a senti le contact arrivé, a tenté de protéger la rose qui se trouve à ses côtés, qui n’a rien avoir avec cette histoire ; n’aurait jamais dû y être mêlée en premier lieu. Ça l’énerve qu’elle soit mise en danger alors qu’elle ne participe pas réellement, d’autant plus si ça vient du rouquin, plus qu’une seule idée en tête : lui faire la peau.
La douce reprend rapidement ses esprits, tout de même chamboulée par les événements, elle partage le sentiment de haine. Ils vont lui faire bouffer la gomme, Léo se le jure. Pourtant la voiture de son adversaire bat des records de vitesse qu’il ne lui connaît pas, n’a aucun moyen de suivre sans risquer de mettre plus en danger sa copilote et s’y refuse catégoriquement. Sortit de la ruelle, il décide de faire ce qu’il y a de moins dangereux pour répondre au cahier des charges, après un virage bien négocié, il colle son côté à la carrosserie du roux, dresse un doigt d’honneur fier, peu à peu il l’emmène sur les bords de la rue, à quelques centimètres à peine des trottoirs.
Son adversaire n’y prête pas attention, bien trop absorbé par l’injure non verbale du brun, mais ils sont sur la dernière ligne droite. Le Britannique a assez poussé son ennemi du soir pour qu’il rentre dans le terre-plein, perde en allure, finalement la Golf trace son chemin, reprend une avance conséquente pour terminer premier. Sur l’affichage de son ATH est affiché l’ajout de la récompense à son compte en banque, il sourit fièrement, mais rapidement il se rend compte de son erreur.

— Il nous colle toujours au basque, faut croire que ça lui a pas suffi la première fois.

Léo soupire doucement, glisse un léger regard à sa partenaire, sa main exerce une légère pression sur l’avant de sa cuisse, lui intime silencieusement d’avoir confiance en lui. Du regard, il tente de lui dire qu’il est désolé pour ce qu’il vient de se passer. Il aimerait se faire excuser, mais en l’état rien n’est en sa capacité tant qu’ils seront pourchassés par un abruti avec un moteur trop puissant pour lui.
Sans crier gare il enclenche une vitesse, se dit que même avec un moteur aussi puissant, il ne pourra jamais suivre, le rouquin n’a aucune réelle compétence, n’arrive à tâter le haut du panier que par la grâce de la carte bancaire de papa. Le brun estime qu’il peut le semer, tant qu’il arrive à prendre assez de vitesse et rentrer dans la circulation au plus vite, parce qu’une fois que ça sera fait, il n’aura plus aucune chance. La voiture de Léo est parfaite pour se glisser entre les autres véhicules, doubler n’est qu’une question de seconde, là où son adversaire n’aura pas le choix que de prendre son temps.

— Y a pas que la course qui lui donne un air assassin, hein ? Son regard se fait un peu plus sérieux, garde un œil sur la route sans pour autant détacher ses prunelles de celles de la rose. Il s’est passé quoi, avant la course ?

Ça ne devait être qu’une promenade de santé, rien de bien compliqué, il l’a fait des dizaines de fois, surtout avec l’autre connard qui lui est rentré dedans quelques secondes plus tôt. Le brun n’a pas apprécié du tout le fait qu’il mette sa partenaire en danger, quand bien même il a tenté de la protéger sur ce coup-là, il n’a pourtant pas manqué la première occasion pour lui rendre la pareille et l’envoyer dans le décor quelques secondes à peine avant d’atteindre la ligne d’arrivée, que son ATH lui indique qu’il a empoché les gains de la course.
La jeune femme crie victoire dans la voiture, les bras en l’air pour célébrer, mais il n’est pas encore temps des félicitations. Dans son rétroviseur, le Britannique aperçoit la voiture de son adversaire prendre toujours plus d’allure, alors qu’il avait prévu de réduire la sienne, il comprend tout de suite ce dont il s’agit: il veut en découdre. Un soupire s’extirpe de ses lèvres, sa main vient glisser sur la cuisse de sa partenaire, son regard rencontre celui de la rose. Il est sincèrement désolé, par ce qu’il vient de se passer, par ce qui va probablement arriver par la suite. Il comprend que la situation ne vient pas simplement de la défaite que son adversaire vient de subir, alors il demande à la douce ce qui a pu se passer plus tôt dans la soirée. Le brun connaît assez son adversaire pour savoir qu’il n’a pas son égal lorsqu’il s’agit d’être un ramassis d’ordures avec la gent féminine. Malheureusement, la rose n’est pas la première à se laisser aller à ce genre de jeu, il en a vu bien d’autres défiler avant elle.

Malgré la pression, elle garde la tête froide et son sens de l’humour sans égal. Évidemment, elle profite de l’occasion pour rappeler au brun qu’il n’a pas aidé à ce que les relations se passent bien entre elle et le rouquin, qu’à cause de sa réflexion, il a voulu mettre ses sales pattes sur la douce contre quelques billets. Il n’est pas complètement étonné par ce qu’elle lui raconte, parce qu’il a l’habitude d’entendre Weasley tenter d’user de son argent pour obtenir quoi que ce soit, mais ça l’enrage. Quand bien même il souhaitait prévenir sa comparse, c’est l’inverse qui s’est produit et il ne pourra pas se retirer cette idée du crâne, mais pour l’heure il n’a pas le temps d’y réfléchir. Elle continue, lui explique que si elle est venue avec lui, c’est parce qu’elle n’avait pas d’autre choix – y a qu’à voir ce que ça a donné la dernière fois pour comprendre – avec une tenue pareille, elle ne fera pas vingt mètres sans risquer de se faire embarquer par n’importe quel cinglé de la ville.

— Ouais, désolé pour ça.

La vitesse supérieure est enclenchée, la Golf du brun déboule sans prévenir dans les rues fréquentées, la circulation n’est pas la plus pratique pour s’insérer, mais ça fera l’affaire. La seule chose dont il a besoin, c’est de se faufiler, son adversaire n’aura pas la possibilité de le rattraper, alors il s'exécute, file comme le vent entre les véhicules et embranche la première sortie qui ne sera pas accessible au roux.
Heureusement pour lui, la colère n’a pas émoussé ses talents de conducteur, contrairement à son camarade qui n’a jamais su tenir un volant comme il se doit. Avant d’apprendre à conduire une Ferrari, on se fait la main sur une Peugeot, mais l’argent lui brûle les doigts, ne sait pas prendre les bonnes décisions. Le brun n’a pas lâché l’accélérateur du trajet, pied au plancher jusqu’à arriver à l’appartement de la rose, qu’il a déjà pu visiter quelques semaines plus tôt. Ouais, ça fait bizarre de jouer le taxi, mais c’est ce qu’il y avait de mieux à faire, n’aurait pas supporté d’apprendre qu’il aurait pu être la raison pour laquelle elle aurait pu être emmerdée.
Les pneus redécorent le bitume avec des traces de gomme, n’ayant pas pris le temps de s’arrêter poliment, comme on pourrait l’attendre de lui. L’adrénaline constamment alimentée depuis qu’ils ont débuté ce trajet ensemble n’a pas aidé, il la dévore du regard, sans aucune pression. Ils ont failli mourir ce soir, mais il n’en est rien.

Fallait se bouger le cul, y avait pas d’autre choix. Aussi tout le monde se souviendra probablement d’avoir vu passer une étoile filante sur l’autoroute. L’accélérateur collé au plancher, sans qu’un seul mot ne sorte des lèvres du brun ou de la rose, l’esprit cramponné au volant et à l’idée de s’en sortir vivant. Les moments où ils ont risqué de se manger un platane ou un autre conducteur n’ont pas été si nombreux en comparaison avec la vitesse à laquelle le Britannique était en train de débouler dans les rues de Lumopolis, mais assez pour rendre l’habitacle aussi silencieux qu’à un enterrement.
La fusée est lancée à toute allure dans le trafic de la ville, guide son véhicule comme un kart, ralentis rarement, sauf quand il faut patienter une seconde de plus pour passer sans risquer de blesser sa copilote, légèrement déçu de devoir délaissé les cuisses emprisonnées dans les collants pour jouer avec le levier de vitesse. La course folle ne s’arrête pas, bien que son adversaire a beaucoup de mal à suivre le rythme. Pour terminer le tout, la Golf glisse sous la remorque d’un camion, un monde de manœuvre qu’il est capable de gérer grâce à l’expérience ; il faut dire que le véhicule ne pourrait pas être le plus à ras du sol. Le rouquin ne pourra jamais espérer en faire de même, alors il jette l’éponge.
La colère règne toujours dans les yeux de Léo, toujours frustré de la manière dont s’est déroulée cette soirée, de ne pas avoir pu saigner le visage de la pourriture qui le suivait à la trace. S’il le retrouve, il ne le laissera pas repartir sur ses deux jambes, il s’en fait le serment. Peu de temps aura fallu au brun pour distancer son adversaire, mais il n’a pas lâché la pédale pour autant, pas avant d’arriver devant l’appartement de la douce. Sans le vouloir, il laisse un petit souvenir de son passage sur la devanture de son immeuble.

Tout est allé si vite ensuite, la manière dont ils se sont tous deux bouffé du regard, dont elle s’est précipitée pour retirer leurs ceintures, baisser le siège pour s’installer sur ses cuisses. Il ne fait pas ça normalement, jamais de seconde fois avec la même personne, mais avec elle, sur le moment, ça parait logique. Alors les mains du brun glissent avec fermeté contre les jambes de la jeune femme pendant qu’elle s’affaire à retirer la prison de tissu qui le retient, elle lui lance des baisers dans le cou. Il grogne, n’est pas habitué à temps de légèreté de la part de la rose, mais la raison n’est plus de mise.