Cher Maxime, Montréal t’a vu naître, métropole quand même assez vieux jeux et mal adaptée aux nouvelles technologies. La gentrification poussait les moins nantis dans des quartiers beaucoup moins fréquentables comme Montréal Nord loin du boulevard Henri-Bourrassa ou la Pointe de l’Île dans l’Est. C’est un milieu industriel qu’on ne s’est pas donné la peine de nommer à la limite de la Rivière des Prairies et des raffineries de Pointe-Aux-Trembles. Un no-mans land où se côtoient industries et prisons psychiatriques à haute sécurité.
Les souvenirs de ta mère sont flous. Elle est ou était une prostituée souvent défoncée, ton père un client qui s’était fait prendre au jeu. Tu as vécu jusqu’à tes cinq ans dans un motel miteux sur le bord des vestiges de l’autoroute 40. Ton lit? C’était un matelas défoncé, taché et à l’odeur de moisissure, une délicieuse effluve qui te révulse encore à ce jour. Ta mère t’enfermait dans les toilettes avec une tablette pas assez récente pour fonctionner comme il faut, mais pas assez vieille pour être hors d’usage. La lumière éteinte, tu jouais aux Sudokus, le seul truc qui ne faisait pas planter la machine, et tu écoutais de la musique dans les écouteurs couleur grenouille qu’elle t’avait donné pour ta fête.
Tu ne doutes pas un instant que ta mère t’ait aimé. T’étais la lumière de sa vie et c’est pour ça qu’elle a appelé les services sociaux pour qu’ils t’emmènent loin d’elle et du proxénète qui voulait te rentabiliser.
T’avais cinq ans, elle dix-huit et c’était beaucoup mieux comme ça.
Il y a de bonnes et de mauvaise famille d’accueil, de manière universelle comme au Québec.
Charlotte Tétreault a toujours été vieille. Elle vivait dans ce qu’il restait des quartiers de la classe moyenne de la métropole. C’était une vraiment bonne personne, même si elle n’y comprenait pas grand-chose, elle t’a poussé à aller vers tes rêves. Tu avais seize ans quand tu as rencontré ton petit frère Olivier. Aucun lien de sang, mais c’était un bébé duquel tu t’es immédiatement attaché. Il n’avait pas un an que tu as découvert le bonheur d’être grand-frère, que tu as pu profiter d’un sentiment plus sain d’être aimé et en famille.
Capable d’atteindre avec facilité la moindre des bonnes notes ou la moindre réussite à l’école, tu ne te poussais pas moins à apprendre pour avoir un bon boulot et assurer un avenir pour Charlotte et Olivier. Toi qui adorais tout ce qui touchait l’informatique, t’auto-formais en programmation via des sites web d’abord « clean » puis d’autres qui l'étaient moins à partir d'un moment. Tu arrivais même à avoir un petit revenu à côté. Ton vieil ordi portable te suivait partout et… Ça n’a pas duré trois mois que le malheur est venu pourrir ton petit monde tout simple. Charlotte n’a jamais eu les moyens de se soigner. Pas que la démence ça se soigne. Tu montais un plan pour avoir plus de cash de manière plus ou moins légale que les services sociaux ont débarqué pour venir te chercher toi et Olivier.
Vous avez été séparés.
Tu n’as pas attendu d’avoir dix-huit ans pour décamper de chez la famille Tremblay. Des vêtements miteux, ton corps émacié par la faim et une brûlure de cigarette sur la main gauche, tu ne pouvais pas rester. Maxime, tu as piraté les systèmes du gouvernement sans trop de difficulté pour trouver Olivier... Que tu as su heureux dans une famille aimante. Fugueur, tu as traîné dans les mauvais quartiers, faisant de la tune comme tu pouvais en vendant tes services de piratage pour de pas très bonnes œuvres. Tes aptitudes sociales te mettaient souvent dans le trouble. Ça n’a pas empêché Andrew Hadley, @_mr.popsicle de son pseudo, de te prendre sous son aile et t’apprendre plus en profondeur « son métier » de hackeur. Il t’a aidé à falsifier des documents, t’a donné son nom de famille à partager, ainsi qu’un nouveau prénom. Ensuite, il t’a invité à le suivre aux États-Unis.
Comme tu étais un péquenaud devant Lumopolis, ton « professeur » et ami, auquel tu t’es accroché à défaut d’avoir une famille à aimer, t’a trouvé un petit job en programmation bien ordinaire pour une boîte qui ne demandait pas de diplôme. Tu y as appris à détester le PHP, à exploser les choses en ingénierie fullstack et apprécier les memes divers qui disent que ça peut être de la merde tant que ça fonctionne. Quand tu as eu assez de cash, tu as monté ton pc de gaming et tu t’es procuré un portable sur lequel tu as monté un système d’exploitation homebrew qui faciliterait les petits jobs moins légaux. Tu commençais à peine à Streamer tes gameplays qu’une compagnie obscure nommée D-Vice t’a contacté pour t’inviter à te joindre à une application dont les règles… étaient juste malaisantes.
Peut-être est-ce simplement pour t’amuser que tu as décidé de trouver ce qu’il se cachait réellement sous cette application qui semblait d’apparence inoffensive. Trouver de l’information ne semblait pas simple pour les curieux qui voulaient s’informer un peu plus avant de se jeter dans la gueule de loup.
En faisant de la recherche par moteur, tu n’as rien trouvé.
Ce n’était pas normal, quoi qu’aux vues des règlements, ce n’était pas si étonnant. Tu t’es servi de l’invitation douteuse que tu considérais être de la ‘crap’ comme de l’hameçonnage, et puis pour qui on te prenait? Un attardé? Ils n’avaient pas sincèrement tort. Tu t’es rendu dans un café internet. Tu as ouvert ton portable et tu as hacké avec une simplicité stupéfiante le système. Tu n’as fondamentalement rien fait à part leur cracher un visage que leur système avait une faille. Te glissant mieux dans le serveur que dans un condom, tu avais plus d’expérience dans l’un que dans l’autre… Tu as forcé un redémarrage des serveurs avant d’envoyer un message tout simple à tous les comptes administrateurs.
« Trouvez moi. »
Pour leur faciliter la tâche, tu es resté sur le serveur à regarder tranquillement les archives de dossiers qu’ils… Tenaient contre les PLAYERS, en effaçant quelques un, ajoutant des meme ici et là, corrompant des fichiers plus ou moins utile… Tu as implanté quelques malwares puis comme tu n’avais pas de nouvelles, tu as froncé les sourcils avec déception. Un autre message aux admins promettant le plantage complet de leur serveur s’ils ne mettaient pas la main à la pâte pour te trouver. Tu leur donnais une heure.
Soixante minutes plus tard, tu faisais planter les systèmes au complet… Ça leur a pris dix-sept minutes 18 secondes et 96 centièmes après l’heure pour te faire parvenir un message sur ton écran. Heureux de ne pas avoir de webcam, tu regardais avec trop de plaisir le message sur une fenêtre DOS qui s’écrivait une lettre à la fois.
Une date.
Un endroit.
La curiosité a gagné.
Tu as réparé les erreurs systèmes que tu as causées, tu as remis les serveurs en fonction dans le temps de le dire en y laissant les merdes que tu avais faîtes. En sortant du café internet, tu tirais ta capuche sur ton visage et tu t’arrangeais pour faire tomber ton ordi, grand mal t’en face, dans un égout. Tu devrais en racheter un après ce que tu avais fait.
Il n’y avait qu’un ordinateur qui t’attendait dans un entrepôt en tantinet douteux. À capuche et masque médical pour préserver ton anonymat, tu ne te savais pas téméraire avant de te rendre sur place et te demander si on vendrait tes organes. Sur l’écran déplié de l'ordi, il y avait une conférence vidéo avec plusieurs personnes anonymes. En résumé, tu passais une entrevue dans une mégacorpo de laquelle tu avais évalué les dangers après t'être lancé dans le fabuleux projet de les hacker. Un emploi trop bien payé à ton âge pour entretenir un système codé par un.e géni.e qui n'avait pas pensé qu'un débile comme toi ferait planter les systèmes. Tu n'as pas craché sur l’offre de ne presque rien faire et tu as signé de ton empreinte digitale et vocale un contrat que tu as bien lu avant d’accepter. Tu ne serais ni Player ni Watcher, mais un membre de l'équipe D-Vice. Confronté au secret professionnel tel que stipulé dans le contrat, tu as découvert les systèmes plus en profondeur. Tu as été formé sur les règles, le fonctionnement. Le « comment » entretenir le système et maintenir la sécurité te revenait à toi et tes compétences informatiques.
Tu leur as concédé ton nom bien malgré toi pour accepter l'offre.
Avec ta prime de bienvenue, tu t'es monté un nouveau portable de hacking.
L’emploi se faisait à partir de ton appart miteux. Sur ton bureau, un ordi fourni par la compagnie pour s’assurer du bon fonctionnement des systèmes ne pouvant être déverrouillé que par trop de mesures de sécurité pour toutes les nommer… et à côté, un ordi où tu jouais à Fall Fortress XIV avec ta nouvelle petite amie en ligne Nicole. Nicole… N’existe probablement pas. C’est probablement une meuf qui joue avec tes sentiments, mais ça te comble pour l’instant, ça et la petite famille que tu t’es construite avec Drew, sa copine Sheryl, le frère de ladite copine, Lennox et Patente, ton chat qui miaule en Québecois.
Tu aimerais savoir sociabiliser, approcher les gens, sortir, avoir du fun sans avoir besoin de la sécurité que Drew t’apporte. Mais pour ne pas t’aider, tu as ce réflexe de mettre des écouteurs couleur grenouille sur tes oreilles et leur faire cracher de la musique en faisant des sudokus sur l’épave qui te sert de téléphone dès que tu sors.