La famille Accorsi a été pendant longtemps l’une des plus puissantes familles de la Cosa Nostra, mais tout a été chamboulé par la naissance de Belladona. Deuxième enfant de Lucia et Lorenzo et cadette d’Alessandro, Belladona voit le jour dans le quartier résidentiel de Rifredi en 2014 à Florence. Vu comme une malédiction par les hommes de la famille, qui s’attendaient encore à pouvoir alimenter les têtes fortes de la famille en accueillant un nouveau garçon – qu’ils feront murir bien plus tôt que nécessaire – bien entendu. Évidemment, à cette époque la question ne se pose pas, une femme n’est jamais autant prise au sérieux qu’un homme dans la mafia, sauf si elle a une bague au doigt qui appartient au patron et encore.
La mère donne tout l’amour qu’elle peut, élève sa fille comme une petite reine, mais ça ne lui suffit pas, l’enfant ne comprend pas pourquoi son père et son frère ne lui apportent aucune attention. C’est quand sa petite sœur est née qu’elle a remis les pièces dans l’ordre et n’a pas manqué de confronter son paternel, déjà bien farouche pour son plus jeune âge, elle fera flancher le grand homme. Elle sera éduquée comme les autres enfants de la mafia, apprendra à se servir de plusieurs armes, les divers trafics – d’armes, à drogues en passant par les êtres humains – ou encore comment blanchir de l’argent. La petite reine n’a pas mis longtemps avant de se familiariser avec tout le matériel, brillante par sa capacité à retenir du premier coup ce qu’il lui est montré et à l’appliquer par la suite.
Pourtant une ombre au tableau vient tout gâcher, elle s’éloigne de sa famille, mère et sœur et ne sont plus là, les hommes sont partout. Vulgaires. Gras. Violents. Aucun n’est vraiment à la hauteur de ses espérances, l’image que lui décrivait sa mère était bien emballée, mais la réalité bien plus dure. Alessandro n’a pas sa langue dans sa poche, se moque de chaque fait et geste de sa sœur, leurs oncles rigolent, le père fustige la jeune fille. Pour lui, qu’importe les capacités de son rejeton, elle n’a pas sa place ici ; elle lui fait honte.

La chose étant, Belladona a démontré très tôt une force de caractère à toute épreuve, faisant glisser sur son corps les grossièretés comme sur de la soie. L’apathie finit pourtant par se faire ressentir, en ce qui concerne le langage fleuri et les piques visant à humilier l’autre, elle n’est pas en reste par rapport à son frère. Quelques réponses lancée à la légère pour rappeler qu’il est plus âgé, pourtant moins compétent, les oncles se mettent maintenant à rire de lui, mais la colère du père ne désemplit pas pour sa fille et la place qu’elle occupe dans l’organisation. L’adolescente n’a pas son pareil – si ce n’est son paternel – pour l’audace et la ténacité dont elle fait preuve.
Il continuera à ronger son frein jusqu’à ce que l’ainé parte aux États-Unis, dès lors il est obligé de la confronter directement, ça ne se passe pas comme prévu : les oncles lui accordent raison. La jeune femme emprunte le sillage de son frère, rejoint un autre district. La Ville lumière est loin de ressembler à sa ville natale, les néons partout, le manque de pudeur, d’argent. Oh bien sûr, Belladona a eu l’occasion par le passé de rencontrer de nombreuses personnes décomplexées, loin d’être une Sainte elle-même.
L’idée n’a de cesse de la traverser, mais elle veut battre son frère à son propre jeu, prouver une bonne fois pour toutes qu’elle a bien plus sa place dans la famille que lui. Il y a des colères qui sont saines, elle se rappelle. Sa haine de l’homme ne saurait s’estomper, bien au contraire. Ils sont faibles, manipulables, bien trop fiers sans raison ; ça l’enrage. Le paternel fait exprès de ne le lui envoyer que le strict minimum pour agrandir son affaire, laissant la plus grosse part du gâteau à son aîné. Elle n’en a que faire, après tout ça n’est qu’une preuve de plus de l’incompétence de celui qui brandit les bras après la moindre réussite, aussi minime soit-elle.

La brune s’est toujours tenue à faire son maximum, dans tous les aspects de sa vie, aussi tout en continuant à faire faire florir son activité naissante, elle a pris soin de garder quelques contacts avec sa mère, de rares bribes avec sa sœur. Elles ne sont pas faites du même bois, ne se comprennent pas vraiment, les choses sont ainsi, Belladona imagine qu’elle devrait donner plus. Sa mère la couvre, évidemment.
Les affaires font bon train, embaucher les premières filles venues, leur offrir un toit, quelques conseils pour se faire de l’argent et des clients. Ça n’est pas glorieux, elle pourrait travailler sur du concret – les armes ou encore la drogue – pourtant ça ne l’intéresse pas. Parce qu’elle sait aussi bien que n’importe qui que ceux qui le font habituellement n’ont aucun respect, sont simplement avides d’argent. Elle n’a pas besoin de forcer qui que soit, présente toujours les options comme elles se profilent, réussit toujours à rendre la sienne plus favorable. Après tout, elle assure la protection de ses employés comme s’il s’agissait de sa propre famille, mais elle n’agit pas seulement par altruisme. Non, l’argent fait tout, mais la loyauté n’a pas son pareil ; ceux qui ont été sous sa tutelle lui seront toujours redevables. Par la même occasion, elle s’est familiarisée avec les membres de la mafia locale, fidèles clients de ses filles, en a profité pour récupérer un ancien hôtel modeste qu’elle a reconfiguré en une maison close des plus luxueuse que Lumopolis a eu l’occasion de connaître. Chaque chambre sert de logement et de lieu de rendez-vous, bien sûr certains sont rebutés par cette idée, mais les soins apportés par la maquerelle suffisent à faire taire les jérémiades.

Alessandro ne fera jamais mieux qu’elle : un commerce florissant et presque éthique.