Noël arrive, je ne pourrais pas être plus excitée par cette nouvelle ! Même si je ne pourrais pas passer les fêtes avec Helios, dès que les réjouissances seront finies avec la famille, nous nous retrouverons. C’est la première fois que nous passons un événement comme celui-ci ensemble; avec l’enthousiasme vient son lot d’angoisses. Ce qu’on a est beau et j’ai toujours cette impression que cela risque de voler en fumée.
Je n’ai pas caché mes inquiétudes auprès de mes parents, mon père ne comprend pas, il s'accommode de ce qu’il a, sans regarder devant ou derrière; ma mère par contre a pris le problème un peu plus au sérieux et a tout mis en ordre pour tenter de me changer les idées. Les semaines ont défilé et plus ce jour se rapproche, plus mon appréhension est éprouvante. Je ne sais pas quoi, mais j’ai l’horrible impression que quelque chose se passera mal.

Il ne reste plus qu’une semaine avant que l’on ne se retrouve réellement, une semaine avant que je ne puisse le toucher, contempler ses yeux ambrés pendant des heures. Je ne me sens jamais aussi bien que lorsqu’il met ses bras autour de mes épaules et que l’on s’endort enlacer, il me fait me sentir en sécurité, comme si le monde ne risquait jamais de s’écrouler; dès lors qu’il n’est plus là, je patauge, terrifiée par n’importe quoi.
Ma mère a fini par prendre le problème à bras-le-corps, en voyant que je n’étais plus en forme, je me suis renfermée sur moi-même, quasiment incapable de sortir de ma chambre. Elle est rentrée dans ma chambre ce matin, bien décidée à m’aérer l’esprit que je le veuille ou non. Emportée à la va-vite par cette dernière, je me suis retrouvée installée sur la banquette arrière de la voiture en direction immédiate vers le cinéma. Elle avait déjà prévu tout le programme, d’abord un film en famille, avant de manger dans l’un de mes restaurants préférés, enfin la dernière étape: visiter la galerie marchande et être éblouie par les décorations qui y ont été installées.
Il m’a fallu quelque temps pour retrouver un peu le sourire et évincer de mon esprit toutes les peurs qui m’accablent ces derniers temps, heureusement parler avec eux m’a toujours remonté le moral.

Tout peut si vite partir en fumée. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, un bruit sourd a résonné dans tout l’habitacle et puis plus rien. Ma vision est floue, le seul son qui traverse mes tympans est un bourdonnement incessant. Je ne sais pas comment, mais nous avons eu un accident. Je tente de m’extraire du mieux que je peux, sans réellement apercevoir ce qu’il se trame. Une main agrippe la mienne et m’aide à sortir du véhicule, je tente de distinguer ce qu’il s’est passé une fois dehors, mais rien n’y fait. Je n’y vois presque rien, ma tête vient glisser sur une surface douce, la même sensation que lorsque nous nous endormions dans le canapé avec ma mère.

— M-Maman…?

Tout va bien, ils sont sortis, ils vont bien, je le sais, mon seul regret c’est lui. Je ne veux pas mourir, pas aujourd’hui, pas avant d’avoir pu lui dire au revoir. Juste une dernière fois pour lui dire combien je l’aime, même si je ne le reverrai jamais.

Mes yeux s’entrouvrent légèrement, papillonnant en voir la lumière filtrer à travers les stores. Je n’ai aucun souvenir de m’être endormie, encore moins de m’être changée, mais la migraine qui me vrille le cerveau ne me laisse pas le temps de me poser plus de questions. La chambre ne me dit rien, ça n’est pas la mienne, celle de papa et maman a été réaménagée il y a quelques mois, mais je n’ai pas eu le temps de la voir. C’est probablement ça.
Je me lève du lit avec difficulté pour rejoindre le salon et voir s’il y a encore quelqu’un à la maison, après tout il paraît encore faire jour et ils ne travaillent pas le week-end. Je prends soin d’observer ci et là les nouvelles décorations apportées dans la chambre, maman a toujours eu le don pour récupérer de vieilles babioles et les exposés dans sa chambre. Je ne sais pas trop comment papa fait pour supporter tout ça, d’autant plus que les breloques ne semblent rien avoir en commun les unes avec les autres.

Mes pas me dirigent vers la cuisine où je sens une odeur m’ouvrir l’appétit, en passant par le salon, je me rends compte qu’il est bien vide en comparaison avec mes souvenirs, mais la migraine doit me jouer des tours. Je n’ai jamais eu les idées claires quand les maux de tête me prennent d’assaut, aujourd’hui ne fait pas exception. En rentrant dans la pièce, je me retrouve nez à nez avec mes parents, maman est rayonnante comme toujours, papa quant à lui fume trop.
Je me tiens la tête, un œil à moitié fermé à cause de la douleur. Le froid du carrelage me gèle les pieds et je me rends alors compte que je suis simplement en sous-vêtements et un t-shirt beaucoup trop grand pour moi, ça doit être celui de papa.

— Coucou. Maman, tu pourrais me sortir un cachet, la céphalalgie est de retour, pour mon plus grand bonheur…

En principe j’aurais dû être capable d’aller le chercher moi-même, mais je ne m’y retrouve plus dans la maison dans laquelle je vis depuis que je suis toute petite. Malgré la douleur, je me dirige vers eux pour mon habituel câlin du réveil et viens les enlacer chacun leur tour.

— Très sympa la nouvelle décoration dans votre chambre. J’ai dû m’endormir d’un seul coup, parce que je ne me souviens pas d’être partie me coucher dans votre lit.

Un matelas d’une pareille douceur n’a pu que m’envoyer dans les bras de morphée, je serais bien restée plus longtemps dedans, mais mon calvaire ne se serait jamais arrêté. Je regarde mon ATH pour me rendre compte de l’heure avancée, j’ai encore du mal à comprendre pourquoi ils ne m’ont pas réveillé plus tôt à vrai dire.

— Je ne vais jamais avoir le temps de terminer mes devoirs avec l’heure qu’il est…

J’ai la tête dans le gaz, les pensées obstruées par la migraine qui me vrille les tympans, mais je tente de leur tenir mon meilleur sourire. Étrangement, leurs visages paraissent plus jeunes que d’habitude, mais je ne doute pas de maman pour avoir testé ses crèmes rajeunissantes sur papa avant de les utiliser elle-même. Ce dernier est bien plus câlin que dans mes souvenirs, mais il a toujours été plus avenant quand migraines et maladies s’attaquent à moi, donc je ne m’en inquiète pas trop. Il me dit que je devrais manger avant de prendre quelconque cachet pour calmer les maux de tête, balaie les inquiétudes pour mes devoirs, heureusement ils n’ont jamais été plus inquiets que ça sur ma scolarité, généralement c’est plus moi qui aie tendance à en faire trop. J’angoisse direct quand il s’agit de ne pas être à jour sur ce que j’ai à faire, heureusement papa a toujours les bons mots pour retirer mes doutes. La meilleure manière de m’avoir par les sentiments : me proposer d’aller manger.
Maman semble un peu ailleurs, elle aussi, pendant le repas elle n’est pas bien concentrée sur ce qu’elle mange, pourtant papa est un sacré chef et c’est un plaisir à chaque bouchée. Je ne me souviens pas qu’il ait pu faire ce plat avant, mais le cordon bleu a su briller pour cette nouvelle expérience, comme si c’était sa recette phare. Papa me parle de mes cheveux, me dit que même si je souhaite les garder longs, je devrais tout de même faire attention à mes pointes. Je ne sais pas trop d’où ça sort, mais après vérification, il n’a pas complètement tort, mes cheveux sont encore en bataille à cause de la nuit que j’ai eue, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de les coiffer avant le repas.
J’ai attaqué mon assiette avec plus d’appétit que je n’aurais pensé, les papilles ravies par ce que j’ai pu avaler, alors je n’y ai pas tout de suite fait attention, mais ma génitrice n’est pas dans sa plus grande forme non plus, ses mains tremblent inexplicablement. Papa m’explique que maman s’inquiète, parce que mes migraines se font de plus en plus récurrentes et la violence de ces dernières ne cesse pas d’augmenter. Je ne pensais pas que de simples maux de tête sauraient mettre maman dans cet état et je m’en veux de lui infliger de s’inquiéter pour moi, papa ne le dit pas de la sorte, mais il semble inquiet, lui aussi. Il veut qu’on aille voir des amis médecins à lui, son regard et ses mots me laissent comprendre que je n’ai pas d’autre choix que de les écouter pour aujourd’hui, qu’on ira faire la batterie de tests que je le veuille ou non. Après tout, c’est pour mon bien, je n’ai aucune raison de refuser et si cela peut permettre à mes parents de ne plus s’en faire pour moi, qu’on leur dit que c’est bénin, je n’y vois aucun inconvénient. Je hoche doucement la tête à ses mots, un petit sourire aux lèvres quand il rit sur le fait d’avoir demandé qu’aucune aiguille ne soit de la partie.

La journée est un peu longue, dès la fin du repas nous nous sommes dirigés chez les amis de papa, la première m’a fait garder les yeux fermés tout du long de l’opération, l’autre par contre était bien moins à cran sur l’idée de garder son visage en visuel, mais je ne me suis pas formalisée. Lumopolis est connue pour ne pas être le district le plus sain du monde, les gens ne se font pas confiance, alors ça m’a paru lambda. Je n’ai pas vraiment eu droit aux résultats, papa et son collègue ont fait la fine bouche sur les explications, la seule chose que j’ai réussi à retirer de la conversation, c’est que j’ai besoin de repos.
Je ronchonne doucement quand on me fait comprendre que je devrais ralentir le rythme, mais la discussion sur le chemin du retour est plutôt simple, même si la fatigue commence doucement à reprendre le dessus sur moi. Je somnole doucement dans la voiture, ma tête tombe à plusieurs reprises sur l’épaule de maman sur le trajet jusqu’à la maison. Maman me conseille d’aller me reposer alors que mes yeux papillonnent encore sur l’entrée de l’habitation. Elle semble bloquer quelques secondes auprès de papa, alors qu’il allume sa cigarette qui titille mes narines comme à son habitude. Elle me rappelle mes paroles de la veille, c’est vrai que ma chambre n’est plus au goût du jour.

— Même si le collègue de papa a dit que je devais me reposer, il ne faudrait pas que je me lève trop tard demain. J’ai tout le travail d’aujourd’hui à rattraper…

Alors que les deux se réunissent, je viens les embrasser une dernière fois avant de me diriger vers ma chambre, opposée à la leur.

— Et puis, on pourra en profiter pour parler de la déco quand tout sera fini !