“il existe pourtant des pommes et des oranges”

qu’il murmure parfois à haute voix ; pas de quoi s’en faire. swan, parler pour lui-même. c’est un besoin quelque peu banal. que de s’ancrer par la voix sur terre. il aime articuler, c’est connecté à la plante de ses pieds quand il marche. tout faire mouvoir ; un mouvement sur terre c’est petit, mais suffisant. swan, on aime parfois sautiller, taper du pied sur le trottoir juste un peu, un brin. et quand on glisse ce n’est pas grave. c’est la preuve qu’il n’est nulle part ailleurs. swan, si c’est pas beau ça.

même si, pour un précoce dans son domaine, il faudrait peut-être agir avec plus de prestance. ne pas oublier la cravate au matin, c’est que swan ; avoir la sensation d’être l’inverse. un peu stupide parce qu’il ne suit pas trop l’air du temps. faire des efforts ; et le vieux refrain que sa grand-mère fredonne. oublie qu’on peut tout faire par le cerveau. manger les pissenlits par le cerveau. oublie comme il doit être génial de se propulser si haut. la faute à la vieille chanson. cerveau fixé à s’en souvenir. que swan, voilà, il en a oublié sa cravate avant de partir au travail. il se rassure ; ce n’est pas une cravate qui développe les androïdes. et bim.

ne pas regarder les passants. imaginer. imaginer des odeurs de vieux. des effets de mode. est-ce qu’on léchait les vitrines comme maintenant, avant ? swan et sa tête un peu trop humaine. c’est vexant. il se vexe, un peu jaloux. des choses qu’il n’a jamais connues. sensation trop forte l’impression l’aujourd’hui n’a rien de réel. est-ce qu’il faut alors se soucier des questions humaines ? il paraît parfait produit de son domaine ; un génie un précoce qui a fait fleurir des cerveaux artificiels. et ça le vexe. oui, c’est vexant swan, qu’on n’arrivera jamais à faire fleurir de vraies de vraies fleurs (à se questionner ce que c’était que de vraies de vraies fleurs et voilà l’esprit qui repart, toujours ; pas de quoi s’en faire. swan, parler pour lui-même)

mais on se souvient alors ; et on sourit. que tout ce qui vit finit par mourir. et tout ce qui meurt finit par vivre. les vers ça crée une sorte de poésie ; est-ce qu’on les cache maintenant, les cadavres. parce que trop peu artificiels. garder l’air calme swan ; souviens-toi. tu es programmeur, un développeur. tu louanges la ligne bleue soumise aux trois lois et tu te tais. ne dis pas comme tu les aimes, ces androïdes à qui on donne la vie, ces androïdes avec le temps qui peut-être seront les seuls à vivre. tant qu’il y a le soleil. on fait le bizarre, un peu déconnecté. celui qui s’obsède sur les choses de l’humanité qu’on ne connaît guère. faut-il tout répertorier. répertorier les rires les rages. les vivants qui disent - mais qu’est-ce qu’ils disent, c’est confus swan - mais ils oublient, on pense, l’essentiel. que les orchidées les vraies n’ont pas la même odeur que les fleurs d’oranger.

s’il faut, avant de mourir, on fera fleurir dans le sang, un bourgeon d’antan.
parce que swan,
on n’a jamais oublié la tristesse de grand-mère. alors il faut s’avouer à soi. comme un secret. dans le cerveau caché de la puce ;

ce monde, on le rêve parfois en rouge
pour que des pluies nouvelles délavent les faux fous
et que sa grand-mère dans sa tombe cesse de pleurer.

et ce n'est pas grave si tout le monde meurt ;
si tout le monde a oublié de vivre.

alors inoffensif, swan. ne ferait pas de mal à une mouche.
ça n'a pas la taille d'une personne.

parfait produit de son domaine. de son temps. la fine pointe.
c'est pour mieux comparer ; ce que la fiction a dit
ce que le réel oublie.

aujourd'hui. aujourd'hui n'existe plus. à quoi bon swan,
une conduite bien dictée. une conduite justifiée.

faire de son mieux. se souvenir.
qu'il est préférable d'aimer le monde
il est éphémère ; et c'est tant mieux.

rester poli surtout. et espérer, beaucoup.