« But then again there's always the wicked that knew in advance
Dance forever with the devil on a cold cell block. »

Elle demeure sublime, quand bien même son visage est ravagé par la débauche, quand bien même ses yeux translucides se fondent si bien dans la transparence d'un corps vidé de son énergie. Elle est effarouchée et pendant un instant sans la moindre défense. Cet instant singulier, cet aveux tacite, cette défaite acceptée, tout ceci n'arriverait plus. Elle sait que pas même celui qui s'érigerait en un Dieu du sexe ne pourrait lui prodiguer ce qu'elle a ressenti ce soir là. Tous lui paraitraient fade, pas inutiles mais dénués de cette étincelle qui donnait à cet acte son aspect grandiose.

Elle se fiche de tout, l'espace d'un instant et redevient l'adolescente qu'elle n'a jamais pu être. Désabusée, satisfaite de ce jouet dont elle a usé et abusé. Elle observe l'homme qu'elle tenait jusqu'ici en laisse, elle observe l'homme qui reprend visiblement du poil de la bête, qui redevient un homme - un être humain - à nouveau. Le désire, dans un sens, et l'abhorre, de l'autre. Lui qui n'a eu aucun mal à déchirer une de ses pièces de collection pour en faire un baillon-boule de premier prix et à la fois l'un des baillons--boules le plus cher de l'histoire. Elle respire, à intervalles irréguliers, volontairement, de sorte à ce que son rythme cardiaque se calme plus rapidement. Elle visualise cette fin de mer immobile, régie par un flot de quiétude que nul ne pourrait venir perturber, pas même le plus violent des tsunamis.

Car le seul typhon, la seule catastrophe qui ravageait tout sur son passage, il y a peu, était l'union de leurs deux corps brûlants. L'union de ces deux esprits qui se haïssaient si forts qu'il auraient pu s'aimer, l'espace d'un instant. Le seul paysage plus prenant que les plus beaux tableaux des grands peintres, étaient celui de ces multiples courbes qui s'épousaient dans une symbiose si contraire et parfaite à la fois.

Ô que non, c'était quelque chose, one of a kind. Ils se reverraient, peut-être à l'avenir, mais pour l'instant, il n'aurait d'autre choix que s'échapper, clamer sa liberté qu'il a gagné ce soir là.

Seulement Melyna n'est pas quelqu'un qui aime partager ses jouets, elle qui a toujours préféré détruire ce qu'elle possédait avant de s'en séparer plutôt que de penser à qui elle pourrait faire plaisir en cédant ceux-ci. L'idée qu'il lui échappe lui donnait un goût amer en bouche. Elle qui se tenait là, son accoutrement déchiré, ses seins apparents, ses cuisses encore souillées par l'expression de ses plus profonds désirs et dans son plus simple appareil, se demandait ce qu'elle pouvait faire, si elle devait lui infliger une correction pour avoir mit fin aux jours de sa robe préférée.

Ses yeux perdaient petit à petit cette teinte désabusée pour quelque chose de plus sombre. Devait-elle succomber à ses pulsions les plus sombres, voyant que son jouet désormais préféré allait lui filer entre les doigts ?

Quatre yeux fixent l'homme, et elle daignait enfin s'exprimer après ce long silence bruyant :

« Combien veux-tu ? »

La question est ouverte, elle n'explicite ni si cela vaut pour la paie ou bien pour qu'il reste à ses côtés. Elle lui laisse le choix d'élaborer. Ou du moins l'illusion du choix.

« But then again there's always the wicked that knew in advance
Dance forever with the devil on a cold cell block. »

Elle se tient face à lui, son regard s'étant accroché dans le sien dès le début et ne l'ayant jamais quitté, elle semble avoir reprit un peu de sa superbe, le toisant de toute sa grandeur. Elle qui est pourtant dénudée, sa robe de créateur déchirée servant comme un ersatz de couverture. Un sein à l'air, son entrejambe affranchie de tout tissu futile. Elle n'a plus aucune protection et pourtant elle ne s'est jamais aussi sentie en sécurité. En réalité, elle n'a jamais vraiment été inquiétée et aucun des deux chenapans dans la pièce n'aurait pu penser le contraire. C'est dans cette situation très précise qu'elle prend son pied le plus facilement. Le plus intensément. Elle le détaille de ses yeux lubriques, laissant la réponse en suspens volontairement, un sourire se dessine sur les commissures de ses lèvres tandis qu'elle se laisse enlacer par les limbes de ses pensées, une de ses mains vient rejoindre son sein nu, chaste, elle s'y repose tandis qu'elle chasse ce qui passe par dans sa tête pour finalement lui demander, se redressant alors, son expression habituelle reprenant le dessus :

« Devrais-je enlever sur cette note le prix de cette robe ? Si c'est le cas, alors j'ai bien peur que ta prestation était gratuite. Ou bien peut-être peux-tu t'excuser, ce n'est pas grand chose et puis.. Tu as si bien travaillé, je peux te l'accorder, c'est en quelques sortes un geste commercial.. »

Elle est déconnectée, ça se voit. L'androïde n'a pas bougé de sa place et une lueur différente anime son regard, elle jauge Ambrose à nouveau et affiche une claire volonté de ne pas le laisser partir tout de suite, est-il achetable ? Peut-on aller contre le souhait d'un homme qui ne souhaite que la liberté ? Elle le détaille, un mélange entre l'envie, la tristesse et la colère. Un cocktail détonant qu'elle redoute possiblement, n'ayant pas envie de perdre un tel élément. Les caprices sont une choses, ceux qui prennent vie, eux, en sont une autre. C'est devenu un challenge.

« But then again there's always the wicked that knew in advance
Dance forever with the devil on a cold cell block. »

Melyna se laisse docilement mener par la main de l'éphèbe tenant sa mâchoire, dans son regard se mêle défi et envie, elle sourit sobrement, le dévisage et s'enivre du cocktail d'émotions qui s'échappe de l'attitude et des yeux de son belligérant nocturne, elle se languit de cette situation et de chaque minute qu'elle vole au temps précieux de son futur-ancien employé. Melyna adore jouer avec sa nourriture, cette hyène slave se repait du chaos qu'elle sème, c'est un fait. Mais ce qu'elle déteste par-dessus tout, c'est perdre ses jouets.

Et Ambrose, au delà d'être son jouet, semble être devenu son obsession.

« En effet, tu pourrais t'excuser, ces mots, libérés entre ces lèvres me feraient du bien à entendre, c'est un fait.. Tu pourrais même te mettre à genou, ça serait un bonus non négligeable..»

Elle attrape son sein dénudé d'une main distraite, le massant d'un geste discret, presque inconscient, ça n'a rien de réellement sexuel, mais ça accompagne sans nul doute ses pensées encore quelque peu embrumées. Elle ne le quitte des yeux, soufflant un soupir agacé, l'espace d'un instant.

« Est-ce ce buvard qui t'a mit dans tout tes états ? Je pensais que nous pourrions nous amuser, je te sais consommateur, puppy.. »

Melyna fait taire son sourire en coin, elle semble sérieuse tout à coup, fi des sous-entendus, fi des caresses déplacées, elle l'observe désormais avec une volonté certaine : Celle d'obtenir des réponses. Elle se redresse même pour la peine, son regard venant bousculer celui d'Ambrose sans gêne. La vérité est qu'elle s'en fiche bien pas mal de cette robe, elle pourra en acheter d'autres, en déchirer d'autres. Mais lui.. Ô Ambrose, il n'y aura pas d'autre comme toi.

Il y aura d'autres pantins, mais aucun ne sera habité par la même rage qui a tenu les jambes d'Ambrose. Non, non.. Melyna le sait pertinemment. Elle ne le quitte pas un seul instant des yeux, continuant sur sa lancée :

« Tu as déjà vidé tes couilles, Ambrose, et si maintenant tu vidais ton sac, mh ? Pourquoi..? »

Melyna ne formule pas la question clairement, il sait probablement pourquoi elle lui pose cette question, il sait probablement qu'elle fait allusion à son désire de s'en aller, mais elle ne lui fera pas le luxe de lui demander explicitement, il devra rester encore un peu de temps avant que ces mots soient crachés. Avant que cette frustration ne soit exprimée au travers des bons mots.

« But then again there's always the wicked that knew in advance
Dance forever with the devil on a cold cell block. »

Melyna darde Ambrose avec un intérêt rarement accordé, elle entend ses doléances sur ce buvard maladroit et quand bien même elle le trouve rabat-joie sur l'instant, ne contredit pas celui-ci. Ses yeux s'enflamment d'un dilemme cornélien et la réponse la plus humaine et la plus généreuse ne lui convient pas.

Il ne peut pas partir, il ne doit pas partir, non. Encore moins après cette nuit.

« Tu as toujours été ici comme un roi, Puppy.»

Elle saisit l'opportunité du contact, cherchant sa main de la sienne, comme pour l'inciter à la rejoindre à nouveau, sa main, ses longs doigts fins et griffus serpendant le long de l'avant-bras du bel éphèbe. La fureur, la luxure de la chienne slave est intarissable, et ses provocations ne sauraient trouver un adversaire pour les contrer tant celle-ci est déconnectée de la réalité.

Sa douce peau cherche naturellement à fusionner avec celle d'Ambrose, tandis qu'elle récoltera celui-ci s'il se laisse prendre au jeu. Malheureusement ce n'est pas le cas et elle s'en rend compte lorsqu'il délaisse celle-ci, déformant ses lèvres en un rictus vicieux lorsqu'elle voit l'hésitation dans ce geste de retrait. S'est-elle tant ouverte que ça pour qu'il puisse jouer aussi impunément de sa soif éternelle de chaire ? Peut-être bien, c'est son erreur.

« La liberté s'acquiert, kotyonok, il suffirait.. »

Elle marque un temps, observant son amant nocturne, eux qui sont hors du temps pour l'instant, épris et noyés dans cette ambiance biblique qui unit leurs sentiments contraires, elle pousse un soupir mêlant excitation et colère, elle ne le quitte pas un instant des yeux, posant ses propres mains sur l'intérieur de ses cuisses un instant tandis qu'elle se délaisse à nouveau contre le dossier de son sofa. Elle lui lance alors :

« Je peux l'imaginer, puppy, mieux encore, tu peux donner vie à cette image. »

Elle qui porte actuellement la tenue des chérubins n'a rien à cacher et semble avoir laissé l'accès libre aux plus privés des jardins à son belligérant. Il n'aurait plus qu'à venir cueillir le fruit des chimères qu'il évoque.

Et curieusement, elle n'a jamais été autant à l'écoute d'Ambrose qu'elle ne l'est à cet instant, et ça peu importe de quoi il s'agit.

« But then again there's always the wicked that knew in advance
Dance forever with the devil on a cold cell block. »

Le monolithe russe se dresse de toute sa superbe, à moitié dans l'habit d'Adam, à moitié dans la perfidie d'Eve. Son envie charnelle n'est plus, l'excitation n'a plus le même goût. Elle l'observe, depuis ses hauteurs, le détaille et l'imagine dans d'autres termes. Puis elle se permet de lancer sa bombe.

« Je n'ai jamais négocié quoique ce soit. J'envoie le paiement, qu'il te plaise ou non. Avec les coupures que je souhaite, et si tu n'es pas content, tu sortiras tout de même, ça ne sera simplement pas de ta volonté, possiblement. »

Son ton se fait sec, le retour à la réalité en est tout autre. Elle poursuit même son petit manège, repoussant lentement Ambrose vers le canapé dont-il s'était levé. Probablement pour l'y faire tomber à nouveau, dans une ultime provocation, ou tout simplement pour voir jusqu'où cela peut aller, à nouveau.

Sous les mouvements, sa peau luit parfois d'un éclat carmin, parfois se camoufle dans les ombres qui enveloppent ce couple d'un soir, ces amants unis par la haine. Elle poursuit son monologue, ne lui laissant pour l'instant guère le choix de parler, prenant à la fois si peu de place par son gabarit et à la fois tant de place par sa verve.

« See, puppy.. The thing is, l'argent n'a jamais été le problème. Et quand bien même tu partirais, tu ne serais jamais vraiment très loin. Je serais toujours celle qui te donnera le boulot et quand bien même tu ne souhaites plus jamais fouler la porte de mon établissement.. Tu fouleras les portes d'autres de mes établissements, tu prendras les mains que je tendrais, que tu le saches ou non. Car tu es obligé de le faire, tu n'en as pas le choix. Peut-être qu'au fond de mon canapé, lorsque tu auras franchi cette porte, je me rappellerai comme tu m'as baisée, comme personne ne m'a baisée avant autant d'ardeur. Avec autant de haine. Comme jamais personne ne m'a haïe avec autant de puissance. Je m'en rappellerai et peut-être, attendrais-je de te revoir, dans ce cas. Et même si ce n'est pas devant moi, alors ce sera sous un autre format. Mais tu ne peux pas m'échapper, tu ne pourras jamais car c'est moi, dans la finalité, qui jugerai si tu remplis les critères pour être libre, mon trésor. »

Ses yeux translucides portent une nouvelle haine naissante dans son regard, son rôle dans D-VICE suggéré, elle n'en dira pas plus, libre à lui de le comprendre. Libre à lui d'abandonner ses lèvres à elle, libre à lui de lui porter atteinte, une dernière fois tandis qu'elle pose ses cartes sur table comme une gipsy voulant dévoiler son destin aux âmes perdues s'essayant à sa table. Son visage est terriblement proche de son jouet préféré, de sa prise la plus vénérée. Le monolithe russe n'a plus cette innocence affichée plus tôt sur son visage, et maintenant qu'il la connait si bien, Ambrose pourrait même y voir un mélange subtil entre la colère, la vexation et la jalousie, dissimulée au fin fond de cette marmite que sont les émotions de celle qui fut et qui restera seule toute sa vie.

« Puppy, puppy, my beloved puppy, I'm gonna miss you. »

Une brève cassure dans la voix habituellement suave de la russe se fait entendre, c'est cette même fissure qui clôture son monologue, bien vite, avant que les limites ne soient atteintes et qu'elle sorte enfin de son personnage affreux.

« But then again there's always the wicked that knew in advance
Dance forever with the devil on a cold cell block. »

Son doigt glisse le long de l'affront, récoltant celui-ci pour l'ingurgiter sans une seule once de colère apparaissant sur ses traits. Au contraire, une étincelle se fait maîtresse de son regard et elle darde alors son opposant avec la malice du démon. Elle serpente petit à petit pour que le bas de son corps épouse à nouveau celui du bel apollon et vient glisser ses bras autour de sa nuque puis vient son front qu'elle approche de celui de son amant.

Leurs regards viennent s'entrechoquer à nouveau, inlassablement tandis que la dance macabre, elle, poursuit sa lancée.

« Il était déjà compté dans ton dû, chéri. Depuis le début. Tes soubresauts trahissaient tout l'amour que tu me portes, il fallait récompenser cela. »

Et c'est vrai, le virement qu'elle comptait lui faire tenait en plus de la somme originale une jolie fleur qu'elle lui aurait adressée, compte tenu de ses multiples affronts. La punition serait tout autre, arborerait une autre forme. La chienne joue avec son jouet favori, et elle est gourmande, il le sait.

« La prochaine fois ? J'ai hâte. Tu me montreras toute les choses que tu auras apprises entre temps.. »

Le sourire de Melyna s'étire un instant tandis que ses yeux dévorent toujours autant son partenaire. Leurs fronts s'épousent et leurs souffles ne pourraient aspirer à n'être qu'uns. Et pourtant, la courte distance ne semble être parcourue ni par l'un, ni par l'autre.

Elle s'exprime alors, doucement, vicieuse, envieuse :

« Je te libèrerais, simplement pour le plaisir de t'avoir à nouveau. Juste pour goûter ta haine, à nouveau, pour ressentir toute cette colère que tu n'as jamais su garder mais que ton corps exprime si bien. »

C'est là quelque chose qu'elle ferait, sans aucune once d'hésitation. Elle est obsédée. Ce n'est plus de l'ordre de l'égoïsme. Et inconsciemment, ses crocs acérés cherchent le premier sang à nouveau et la lèvre inférieur du bougre semble être le repas convoité. Comme un loup blessé, elle serait prête à emporter n'importe qui dans la tombe, pour ne jamais montrer à autrui la vulnérabilité dont elle fait preuve face à celui qui lui manque de respect.

Que ce soit aujourd'hui ou plus tard, elle aura ce qu'elle désire.