La vie, c’est quand même une sacrée pute. On peut en dire ce qu’on veut, il fait beau, il fait chaud, mais les clébards sont d’autant plus présents dans les rues de Lumopolis. Techniquement, la population n’a pas augmenté, mais les beaux jours amènent même ceux qui se cachent à sortir de leur grotte et de mettre le bordel dans les rues. Léo ne s’en soucie pas vraiment, parce qu’il n’est pas un enfant de chœur non plus, qu’il saura se débrouiller si on venait à lui chercher des noises. Pourtant, il ne sait pas pourquoi, mais il sent que quelque chose va mal.
La nouvelle ne met pas longtemps à tomber, alors qu’il se contentait de faire sa journée de travail à servir des plats plus basiques les uns que les autres à des clients tout aussi insupportables. La guerre est déclarée, D-VICE s’est décidé à mettre le chaos dans la ville et mettre en péril les mouchards. En temps normal, il aurait probablement balayé la notification pour continuer sa route, mais le pseudo qui s’affiche lui fait serrer les dents. Qu’est-ce qu’elle peut bien foutre sur cette appli ? Non, il sait pour quelles raisons, mais pourquoi à cette foutue place, depuis quand est-ce qu’elle s’est fait traquer par les chiens de garde du jeu ? Baal qui cafte, c’est un scénario étrange, mais il imagine sans mal pourquoi il n’a pas été mis au courant plus tôt, après tout, il n’a pas daigné lui dire la vérité sur son aventure de son côté non plus, donc il ne lui jettera pas la pierre. Fais chier.
Le tablier et la casquette rejoignent le sol sans plus de cérémonie, il ne prévient pas, quitte le camp sans un mot. Le temps manque et il est impossible pour lui d’en prendre plus pour s’excuser, de toute façon, il se moque bien de ses collègues ou de ses responsables. Le Britannique ne se pense pas assez payé pour supporter ces conneries ou leur donner un respect qu’ils ne méritent pas ; et puis, il y a plus important en jeu. Baal c’est un peu comme sa sœur – au format armoire à glace – faut pas tenter de mettre la main dessus, au risque de se bouffer la sienne. Alors évidemment, il ne peut pas laisser passer ce qui va arriver, parce qu’il le sait : ça va être un carnage. Il n’apaisera peut-être pas les flammes, mais affrontera le brasier avec sa comparse.

La Golf a sillonné l’asphalte à grande vitesse pour rattraper le temps qu’il a perdu sur les poursuivants de sa collègue, il la laisse refroidir seulement lorsqu’il se sait non loin d’elle. La portière n’a jamais claqué aussi violemment que dans cette panique nouvelle. Foutu pour foutu, ils sauteront ensemble s’il le faut.

— Baal ! Il hurle sans se soucier des regards affolés qui pointent sur lui. Il ne la voit pas, mais imagine sans mal qu’elle puisse l’entendre vu l’énergie qu’il y met. Ramène ton fiak, on se casse et vite !

On vit une belle époque de merde pour ce genre de course poursuite, déjà parce que le monde qui règne dans les rues est infernal, mais c’était sans compter sur la chaleur écrasante qui s’annonce déjà en ville. Dans la précipitation, le moteur s’arrête brusquement, laissant pour seuls échos dans la foule le nom de son amie qu’il tente de rapatrier pour s’enfuir. C’est seulement quand il l’aperçoit qu’il s’arrête de crier, elle est déjà en train de courir, donc il imagine sans mal qu’elle a été prévenue de ce qui est en train de se passer, mais à force de hurler, les chiens de chasse sont déjà à ses trousses.
Le brun esquive une droite de peu, d’un type qui a pensé avoir le dessus et ne voulait pas laisser quelqu’un d’autre s’approprier sa proie. La seule chose qu’ils ne savent pas, ceux qui sont à ses trousses, c’est que l’armoire à glace n’est pas une proie, bien au contraire et que le jeune homme ne ferait pas non plus de cadeau à ceux qui se dresserait sur son chemin. Alors les côtes craquent, le crâne termine dans le mur derrière lui. Le Britannique ne perd pas plus de temps avec le clandestin, il a d’autres chats à fouetter la vermine qui se croit tout permis ne l’intéresse pas, il n’est même pas certain de savoir quand il sera en état de se relever de toute manière. Des Players qui pensent que la célébrité les rend intouchables, invincibles, y en a plein, mais aucun n’a réellement compris comment cela fonctionne. Avoir du monde derrière soit, ça ne compte que s’ils existent vraiment, qui sont prêt à réellement les épauler quand il le faut, qu’importe le danger, c’est pour ça que Léo n’a pas perdu une minute pour rattraper son amie, parce qu’elle est là, elle, pas les chiffres.

Il tente de reprendre sa course, mais voit une silhouette se dessiner devant sa comparse, menaçante, armée. Il ne faut pas longtemps au brun pour se rendre compte de qui se dresse devant lui, prêt à bondir sur la cible du jeu. Le goût amer des balles qui ont laissé d’énormes traces sur son corps se fait ressentir, mais la question persiste dans sa tête, qu’est-ce qu’elle fout là ? Il n’a pourtant pas le choix, si elle chope la rose, elle n’en fera qu’une bouchée, qu’importe la différence de gabarit, il doit faire diversion.

— Toi, ici. Milady ?

Le trio de tête est très vite rattrapé, même si tout le monde semble les ignorer, la brune et l’Irlandaise se toisent, tous deux prêtent à dégainer pour détruire l’autre. Le Britannique se doute rapidement qu’il ne s’agit pas d’une arme à feu pour son amie, mais sait que son adversaire ne rigole pas, en garde les traces sur le corps. Depuis qu’il est jeune, il s’est toujours méfié des armes à feu, au point d’avoir cherché à ne jamais en avoir une sur lui, même s’il commence à se demander si ça ne va pas commencer à devenir une question de vie ou de mort ; surtout si la demoiselle à la gâchette facile continue de croiser son chemin.
Elle n’en a que faire de ce qu’il peut lui dire, garde son attention fixée sur sa partenaire à la crinière rose, dégaine une arme plus rapidement que cette dernière et tire un coup dans l’épaule d’un des participants à la chasse. Certains ralentissent leur course, d’autres tentent de s’armer discrètement, main dans la poche, le froc ou sous la chaussette, mais ils ne feront pas long feu, devant elle, il le sait. Pourtant il n’a pas le choix de bouger ses fesses pour rattraper la situation à sa façon, alors il la bouscule juste assez pour que le deuxième coup n’atteigne pas sa cible. L’ouïe en vrac, mais encore vivant. Il se presse un peu plus contre elle, tente de la plaquer contre le mur après avoir jeté les clés de son véhicule à l’armoire à glace qui se fait poursuivre par toute la ville.

— Casse-toi de là, en vitesse !

La situation ne pourrait pas être pire, dans le meilleur des cas, il réussira à rentrer dans la voiture en sautant dedans, mais avec le nombre de personnes prêtes à égorger l’autre et la gamine ninja, le brun s’inquiète sincèrement de ses chances de survie.

— On se retrouvera, ma belle. Jamais deux sans trois, mais cette fois j’aimerais éviter de repartir avec un trou supplémentaire.

Parce qu’il ne peut pas se permettre de passer sa vie à se faire raccommoder par la rose et surtout, il n’est même pas certain de pouvoir survivre s’il se prenait une balle à cette distance ; probablement aucune chance. La seule chose qui vient à l’idée du brun, c’est de quitter les lieux par le même endroit qu’elle est apparue, mais il faut d’abord réussir à la désarmer, sinon il ne s’agira que d’une vulgaire chasse aux pigeons. Propulseurs enclenchés pour gagner assez de hauteur, son genou vient heurter violemment le poignet de la jeune femme pour essayer de faire tomber l’arme.