Une longue trace trouve son chemin jusqu'au nez en trompette de l'iceberg scandinave tandis qu'elle relève la tête vers les cieux où elle se trouvera très bientôt. Les âmes mélancoliques, perdues rient, se rapprochent sans l'ombre d'une mauvaise pensée. Elle ricane, doucement, naïvement. Son épaule frappe celle du Soleil par inadvertance et elle fait fi de son équilibre précaire. Précaire comme la situation d'Hélios, instable, comme l'esprit de celui-ci. Celui-ci même qu'elle tabassait il y a de ça 8 mois. Celui qu'elle se doit de molester de temps à autre lorsqu'il dévie de son chemin. Celui qui a tant de followers alors qu'il n'est qu'un prisonnier qui demeure grâce à ses défis. C'est une belle prise. Un beau pantin qui n'a ni Dieu ni maître, autre que les mètres de shots et autres lignes conductrices qui trouveront toujours un chemin jusqu'à ses narines.

Et puis il y a elle. Elle qui a su trouver un moyen de sortir de son rang pour venir aider celui qu'elle aime. Toute ces choses, Quietus le sait. Et ce soir, elle en fera fi, quand bien même ça ne devrait arriver. Il y en aura d'autres à recadrer. Ce soir, elle se délaisse à la déchéance. Ce soir elle n'aspire qu'à la débauche et c'est bien là ce qu'elle va produire. Helios, ce petit pantin, est un compagnon parfait pour cela. Et elle a sous la manche toute la drogue dont elle a besoin pour le tenir à ses côtés. Elle l'observe, elle mire ces failles apparentes dont une lumière aveuglante s'échappe, elle détaille cette porcelaine fêlée qui n'aspire qu'à être réparée par les bonnes mains. Elle observe cette pauvre âme qui ne saurait tenir une rancœur envers quiconque tant son cerveau est en proie à de trop nombreuses batailles. Ses lèvres pâles s'embourbent d'un sourire enjoué, enjolivé par les substances et l'alcool. Sa consommation est millimétrée, de manière à tout apprécier et plus encore mais à quand même pouvoir assurer si elle doit se battre contre qui que ce soit. Elle est habituée à cela, elle ne consomme pas habituellement mais connait tout de même ses limites. C'est important pour les missions.

─Qu'est-ce que tu veux boire, Aurinko ? ─ Soleil, en finnois. C'est le surnom dont elle avait convenu lorsqu'elle l'avait interpelé la première fois, avant de le rouer de coup jusqu'à-ce qu'il ne soit plus reconnaissable. Elle tient en sa main droite une simple bière, un oreiller de plus sur le lit d'alcool qu'elle a construit, entre temps. Le plaid sur le bout du lit se trouve être quelques petites traces de neige. Un cocktail explosif qui fera office d'un merveilleux costume pour ce soir. Elle en est certaine. Il semble pensif, et ça l'interpelle mais elle n'est pas non plus son confident, il a ses propres batailles et ce soir, elle ne veut pas être un psychologue, elle veut simplement se foutre en l'air. Et qui de mieux pour ça que lui ? Elle connait ses penchants.

Entre ses doigts virevolte un buvard qu'elle pourrait lui tendre s'il lui demandait. Elle ne formule aucune proposition, à vrai dire elle n'a pas prévu de lui donner, c'est simplement son jouet de l'instant, comme un joueur de poker s'amuserait d'un jeton. Peut-être l'utilisera-t-elle plus tard, ou peut-être pas. L'ambiance n'est pas à la surconsommation, pour l'instant.

C'est un de ces soirs où le bleu est omniprésent, le jaune est absent et les tons gris sont bien trop omniprésents. C'est un de ces soirs où elle aimerait se sentir vivante, et à la fois si loin de ce monde où tant de démons sont à ses trousses. Quietus est là, enjouée, mais ça n'est que son enveloppe qui demeure. Son esprit est ailleurs, il aspire à d'autres horizons, d'autres fins que le destin funeste qui l'attend elle et les myriades de scénarios différents qui cohabitent dans sa pauvre tête malade se plaisent à lui rappeler, bien trop souvent.

« Loués soient les fêlés, car ils laissent passer la lumière » Est-ce cela, le proverbe ? Elle ne s'en souvient plus mais paradoxalement, son compagnon du soir semble en être la personnification.

Quietus dépose un tout petit cylindre sur la table qu'elle fait glisser jusqu'à Helios. La neige s'y bouscule à l'intérieur, oscillant avec les mouvements comme un souvenir dans un esprit tourmenté. Elle l'observe, à mi-chemin entre le questionnement et l'admiration. Comment quelqu'un comme lui peut encore être debout. Comme lui, en particulier, fait-il pour demeurer lorsque l'on sait ce qui l'accable, mh ?

Quietus semblerait presque avoir de la compassion pour lui, non, elle en a. Elle l'a prit de pitié et se targuerait bien d'être la seule et l'unique à pouvoir le rouer de coup. Ce serait à la fois son défouloir et son petit "protégé" bien qu'elle soit plus bercée dans la déconstruction que la protection, dans leurs situations respectives. Elle s'approche de lui et tend la main vers le barman posé là pour lui demander sa boisson la plus forte.

Helios a ces airs qui donnent l'envie de s'en occuper. De près ou de loin, de veiller sur lui. Et si les personnes brisées s'appellent généralement mutuellement, parfois bien malgré elles, ce duo ne semble pas déroger à la règle. Elle le comprend, plus qu'elle ne le devrait parfois. Mêlant rage à l'envie lorsque ses doigts viennent s'unir à son beau visage abîmé.

Quietus, mine de rien, à force d'être lancé à sa poursuite, avait finit par tenter de comprendre ce qui clochait dans cette caboche défoncée. Et elle n'allait dans tout les cas pas le lâcher de si tôt, lui qui semblait se destiner à devenir le plus célèbre des prisonniers.

─« Moins fort que tes poings s’il te plait, j’aimerais garder mes dents ce soir.  »

La remarque la fait rire, il s'échappe de l'ouverture de sa bouche un gloussement satisfait. Elle n'a jamais lésiné sur sa force, c'est vrai. Mais le bougre serait épargné ce soir. Ou du moins pour l'instant.

Elle tend la main pour alpaguer le barman et lui demande alors :

─Un verre de Old Forester, 1910 si vous avez, 1920 sinon, barman. Deux, même. ─ C'est une bouteille hors de prix, quelque chose de collection. Elle semble faire les choses en grand, elle est d'humeur généreuse aujourd'hui. Il en profitera, one way or another.

Elle joue toujours avec son buvard tandis qu'elle se repose légèrement contre son petit prisonnier, d'une moue perplexe, elle semble réfléchir à des choses, c'est difficile pour elle, ses pensées s'espacent autant que ses pupilles actuellement, elle peine à rassembler le train qui achemine tout ce bon monde au bon endroit, cela dit, ça vient, juste un peu plus tard.

Et si, à l'issue de cette soirée, quelque chose se passait, mh ? Quoiqu'il en soit, pour peu que ses jours prennent une autre couleur que la grisaille parisienne, que la monotonie slave, qu'elle puisse jouir, pour une fois, d'une belle fin de soirée, loin des rixes. Quietus, l'espace d'un instant, rêve. Aidée par la drogue, elle rêve à de jours meilleurs, elle n'entend pas les voix, elle n'entend pas ses détracteurs. C'est une belle soirée, et il n'y a probablement personne d'assez fort physiquement qui pourra l'empêcher de l'apprécier. Elle poursuit donc ses affaires, se tournant vers Hélios, qu'elle dévore des yeux malgré elle, plus par nécessité de se concentrer sur ce qu'elle regarde que par une quelconque envie de flirter :

─« Je suis en présence d'une célébrité et je pousse cette même célébrité à commettre des excès.. Stylé, non ? Je suis flattée, un p'tit peu. Tu veux aller où après, on continue ici, on va ailleurs ? »
Elle ricane un très bref instant, attrapant le bras du pitre pour comparer leurs tatouages, l'esprit léger. Elle a ses entrées où elle le désire, la destination ne dépend que d'Helios.

Son esprit est gagné petit à petit par les brumes, elle semble détendue, prête à se laisser emporter dans la danse que seules peu de personnes viennent à apprivoiser, elle est déterminée à enlacer ce moment, hors du temps.

Elle accueille les mouvements aléatoires du bonhomme sans l'ombre d'un refus, embrasse l'aléatoire situationel et subit les critiques, justifiés. En effet, tu sais déjà tout du bonhomme, du moins tout ce qui t'intéresse, le reste du dossier est connu mais ça n'est pas le sujet principal, ça ne sert pas dans l'instant présent.

L'eneigée soupire, sourit et glousse brièvement tandis que ses mains inspectent le bras d'Hélios, le caressant parfois, dans l'oubli d'une pensée, dans la continuité d'une tendresse momentanée. C'est un soir difficile, elle se sent seule, perdue, désintéressée et dans l'absolu : délaissée. C'est un de ces soirs où elle aimerait simplement avoir les réponses aux milles questions qui taraudent son esprit malade. Un soir où elle aimerait se sentir désirée, appréciée, peut-être même aimée. Mais il n'en est rien, sa seule consolation sera cette déchéance, cette étreinte douce et vicieuse que lui offrira la drogue, en la compagnie de celui qu'elle détruit également, de temps à autre.

Elle se verrait disparaître, très facilement, sans l'ombre d'un remords. Cela faciliterait probablement la tâche à tous ceux qui doivent et craignent sa poursuite. Ça lui faciliterait grandement la vie, elle qui lutte constamment avec moults aspects qui se jouent d'elle d'une manière routinière.

Mais pas pour l'instant. Pour l'instant, elle se réchauffe près du feu, près de ce foyer que constitue le Soleil, bien malgré lui, à n'en point douter.

─Biensû-ûr que je sais ce que tu fais de tes journées, là n'est pas la question. ─ Tu as même prit exactement ce qu'il consomme, tu as préparé ce qu'il consomme habituellement exprès pour ne pas chambouler ce pauvre garçon. Si attentionée, n'est-ce pas ?

Sa tempe s'approche de la sienne et tu l'accueilles avec la tienne dans un mouvement semblable à celui d'un bâteau esseulé par les vagues au travers d'une mer agîtée. Le sourire ne sait quitter tes lèvres, la drogue l'aide grandement. Tes yeux se tournent un instant, afin de jauger où se trouve exactement son visage, ses yeux, son joli nez abimé, ses lèvres pâles. Puis l'inspection se termine et tu poursuis ton rituel de déchéance, trinquant avec lui à vous deux et à cette soirée qui s'apprête à s'extirper de ce temps lancinant et blessant. Il désire s'échapper de cette routine, le temps d'une soirée, et c'est exactement ce que tu souhaites faire de ton côté.

Qu'il en soit ainsi.

─« J'espère bien que c'est plus sympa quand je suis là. »

Ta voix d'habitude si douce se galvanise de quelques décibels supplémentaires tandis que tu ricannes, pas bien sûre que ce soit réellement le cas mais pour ce soir ça le sera, tu n'as guère l'intention que ce soit l'inverse, tu ne peux pas te permettre, la chute n'en serait que trop brutale.

─« Oublions, oui. Viens avec moi, on dégage d'ici. J'ai un plan. Et pour le réaliser, il n'y a besoin que de nous deux. »

Tu enlaces ses doigts des tiens, le force dans une certaine mesure à se lever tandis que tu glisses le buvard avec lequel tu jouais dans l'intérieur de ton soutien-gorge, il y sera au chaud. Tes joue s'empourprent de toute les insécurités qui pourraient normalement t'assaillir mais tu y es pour l'instant insensible. C'est ta veine. Ton visage vient chercher le sien et tu lui chuchote alors la destination, dans le creux de son oreille. Ton autre main quitte la nuque de celui-ci pour plonger au fond de ta poche, pour y récupérer les clés du bolide. Ta belle voiture t'attend et il y fait bon vivre, le temps d'un trajet. Il est temps de passer à la suite de cette soirée, hors du temps, loin des maux.

─« À nous deux, Aurinko, à nous deux. » Lâches-tu alors dans un rire franc et cristalin.

C'est sur cette lancée plus que dangereuses que les deux âmes blessées et torturées s'assureraient quelque chose de mémorable, peut-être que ce soir-là, de véritables liens pourront être tissés, au delà d'une application. Peut-être que ce soir, ces deux puzzles aux pièces manquantes auront le loisir de trouver quelque chose pour combler les failles, quelque chose pour faire en sorte que la lumière qui émane d'eux puisse être plus chaleureuse qu'à l'habitude. Ou peut-être que l'inverse arrivera, l'aléatoire n'est jamais vraiment très loin.

Une chose est sûre, la nuit n'est pas prête de se terminer.